Au service des grandes œuvres d'art Japan Published: nov. 10, 2016 Innovations et inspirations Afin d'assurer la pérennité des peintures, il faut prêter une attention particulière non seulement à la restauration des œuvres d'art, mais aussi à l'environnement dans lequel elles sont conservées. Pour qu'un tableau soit transmis aux générations futures, il ne suffit pas de le restaurer ; des mesures supplémentaires doivent être prises pour s'assurer que l'œuvre est maintenue en bon état. « Je propose des environnements de préservation pour garantir que l'œuvre d'art reste à la température la plus appropriée pour la préserver », déclare Mme. Kikuko Iwai, l'une des rares restauratrices de peintures au Japon. Pionnière dans son domaine, elle travaille comme indépendante depuis une trentaine d'années avec les musées d'art, les collectionneurs privés, les galeries et les artistes au Japon et partout dans le monde. Elle a travaillé sur des peintures de grands maîtres tels que Rembrandt, Van Gogh, Picasso, Monet et Matisse. Son expérience couvre également un large éventail d'artistes japonais, notamment Yasuo Kazuki, Tsuguharu Fujita et Kiyoshi Yamashita, ainsi que de représentants du mouvement ukiyo-e tels que Hiroshige, Sharaku et Hokusai. Elle est en outre connue pour son travail à l'Université de Chiba, où elle a restauré un cellulo Disney extrêmement rare et visiblement endommagé.Une pratique qui n'est pas sans rappeler la médecine. Pour Mme Iwai, un restaurateur de peintures s'apparente à un médecin de famille. Il élimine la poussière et la saleté qui s'accumulent lorsque les œuvres sont exposées et il assure leur maintenance lorsqu'elles sont endommagées ou commencent à montrer des signes de vieillissement. À cet égard, tout comme un médecin se lie avec ses patients, le restaurateur se lie avec les œuvres sur lesquelles il travaille. Quand il remarque quelque chose d'anormal, c'est comme déterminer le traitement approprié pour un patient malade. Tout comme le corps médical conserve des dossiers détaillés pour chaque patient, nous élaborons des rapports sur l'état des œuvres d'art et le vérifions à intervalles réguliers. Ceci constitue le fondement de notre travail. Ces rapports nous investissent d'une grande responsabilité, car ils sont la seule trace de restauration permettant aux futurs restaurateurs d'en tirer des enseignements », explique Mme Iwai. « Pour les restaurations, on me confie une œuvre d'art pour une période allant de six mois à un an. Je commence par en consigner l'état, puis je réalise des tests sur des éléments tels que les matériaux la constituant. Je n'effectue le travail proprement dit qu'après détermination complète du type de traitement requis. Mme Iwai a beaucoup utilisé l'indicateur portable d'humidité et de température Vaisala HUMICAP® au cours de ces vingt dernières années. Adopter un rôle invisible et lire dans les pensées de l'artiste. Mme Iwai a été impliquée dans la restauration des peintures pour la première fois en 1974. Son père effectuait des travaux de construction dans un musée d'art et c'est lui qui l'a introduite dans le métier. À l'époque, elle était encore une étudiante envisageant une carrière de peintre, mais la restauration des peintures a piqué son intérêt au point que c'est devenu une occupation de toute une vie. Elle s'est formée aux techniques de restauration au Japon et a aussi étudié dans les musées d'art de Londres. Bien qu'elle ait assurément acquis des techniques à Londres, les idées qu'elle y a puisées se sont avérées encore plus utiles. « J'ai beaucoup appris sur la valorisation de l'originalité. Les méthodes de traitement pour un même artiste diffèrent naturellement pour chacune de ses œuvres », dit-elle. L'expérience peut être utile pour prendre des décisions sans équivoque, mais l'humilité est d'une importance tout aussi vitale. Si l'on surestime son propre tour de main, on peut facilement ravager une œuvre d'art. « Je considère tout d'abord la façon dont je peux utiliser l'esprit de l'artiste pour ramener l'œuvre plus près de son état d'origine et la façon de maintenir cet état. Je crois qu'un restaurateur doit adopter un rôle invisible ; si la restauration se démarque excessivement, l'œuvre perdra son originalité propre. »Des outils soigneusement choisis protègent l'originalité des œuvresDes outils très variés sont utilisés selon les procédés de restauration, englobant des équipements de haute technologie tels que loupes, microscopes, hygromètres et luminomètres tout comme des scalpels, du matériel de menuiserie, des pinceaux de calligraphie, des gommes à effacer et même des produits chimique. Les retouches sont effectuées en dissolvant les pigments avec des matériaux tels que des résines synthétiques. « Les restaurations ont des styles associés et la science en toile de fond progresse rapidement, mais il faut toujours choisir des matériaux n'endommageant pas l'original et pouvant être éliminés en toute sécurité lors des retouches futures », explique Mme Iwai. C'est pourquoi les retouches de peintures à l'huile n'utilisent pas de peintures à base d'huile. Elles font appel à des matériaux dont la sécurité a été longuement éprouvée. Mais cette sécurité à elle seule ne garantit pas que la texture de l'œuvre ne sera pas endommagée : prendre la bonne décision revêt une importance vitale.Parmi ses nombreux outils, Mme Iwai a beaucoup utilisé l'indicateur portable d'humidité et de température Vaisala HUMICAP® au cours de ces vingt dernières années.« Il m'a été recommandé par un spécialiste de la conservation dans un musée d'art national au Royaume-Uni et je l'utilise depuis. Il lui suffit de quelques secondes pour prendre les mesures et l'affichage numérique le rend facile à lire. Et surtout, il est extrêmement précis », dit Mme Iwai. Pour la conservation, il est très important de vérifier les niveaux d'humidité dans les salles d'exposition. Le prêt d'une œuvre d'art à l'étranger fait l'objet de dispositions contractuelles extrêmement détaillées, prévoyant par exemple de maintenir l'œuvre dans un environnement avec un niveau d'humidité de 50 % +/-5 et une température de 20 °C +/-2. Le matériel, les méthodes, l'emplacement des appareils de mesure et le nombre d'appareils varient toutefois tous d'un musée d'art à l'autre. « Je me rends en permanence dans ces lieux pour y effectuer des vérifications. Je définis la valeur mesurée par un transmetteur Vaisala comme valeur normative et lorsqu'elle dévie ne serait-ce qu'un tout petit peu de la plage d'acceptation spécifiée, je donne des consignes strictes aux conservateurs et aux responsables des installations du musée d'art pour tout remettre à la norme. » “Je ne travaille sur les peintures que pendant une courte période, mais je crois que l’œuvre de cette courte période a une influence durable.” Réglages d'humidité critiquesMme Iwai a récemment travaillé sur un Picasso de plus de 80 ans. Les couleurs s'écaillaient visiblement et la toile s'était affaissée au point qu'elle touchait le cadre en bois. La conservation de l'œuvre a nécessité un procédé consistant à retirer la toile du cadre et à la mettre sur un nouveau panneau conçu spécifiquement pour la conservation. Le procédé consiste à appliquer de la vapeur par l'arrière, à mesurer le niveau d'humidité et à évaluer le bon moment pour tendre la toile lentement avec la plus grande prudence. Il va sans dire que c'est une tâche extrêmement intense et délicate dans laquelle une toute petite erreur peut irrémédiablement endommager une œuvre d'art mondialement connue. Les mesures de l'humidité sont d'une grande aide à cet égard.« Des variations minimes des niveaux d'humidité causeront des changements considérables de la toile. Les ajustements de l'humidité constituent le facteur le plus importante pour les peintures », dit Mme Iwai.« Une humidité élevée provoquera un ramollissement de la toile. En l'étirant jusqu'au point où la surface est plane dans cet état, puis en la séchant, nous pouvons éliminer l'affaissement sans aucune perte d'intégrité dans la peinture. Une différence de seulement 1 à 2 pour cent du niveau d'humidité peut être critique pour une œuvre d'art, ce qui signifie qu'un appareil de mesure doit être extrêmement précis, faute de quoi il est inutilisable. »Restauration + préservation = protectionMme Iwai insiste beaucoup sur la conservation des œuvres d'art, parallèlement à leur restauration. Outre la restauration, elle a beaucoup travaillé comme coursière désignée, autrement dit la personne chargée de garder les œuvres d'art prêtées par les musées d'art japonais pour des expositions à l'étranger. Le fait de voyager avec les œuvres a suscité en elle un intérêt quant à ce qui pouvait être fait pour s'assurer qu'aucune atteinte n'est portée aux peintures lors de leur déplacement d'un environnement à un autre. Si par exemple le niveau d'humidité à l'intérieur d'une caisse d'expédition dans un avion pouvait être mesuré et enregistré, de nouvelles mesures de protection seraient-elles alors applicables sur la base de ces informations ? Mesures protectives. C'est à cela que tout se résume.« Les restaurateurs d'art affûtent notre sensibilité et notre sens de la beauté. Ce qui prime par-dessus tout, c'est la considération pour l'œuvre d'art. Nous ne devons jamais gâcher ce que l'artiste a voulu représenter. »