Une technologie de décarbonation éprouvée dans une usine de valorisation énergétique des déchets

L'usine Amager Bakke et le centre CopenHill
Amager Bakke
Copenhague, Denmark
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Biogaz
Durabilité

Des chercheurs danois ont démontré qu'il est possible d'extraire une grande partie du dioxyde de carbone (CO2) des émissions d'un incinérateur de déchets. Lors des tests de viabilité du processus, les chercheurs pensent avoir développé une technologie clé pour combattre le réchauffement climatique. Une usine pilote est opérationnelle à Copenhague depuis plusieurs mois et une nouvelle technologie de surveillance des gaz a permis d'optimiser l'efficience de l'installation.

Crédit photo : Hufton&Crow / ARC

Si les dirigeants mondiaux veulent tenir leurs engagements et atteindre la neutralité carbone, un de leurs principaux objectifs sera de développer et d'exploiter des technologies de décarbonation telles que le captage et le stockage du carbone (CCS) ou le captage, l'utilisation et le stockage du carbone (CCUS). Des chercheurs de l'Université technique du Danemark (DTU) collaborent ainsi avec une usine d'incinération de déchets très innovante à Copenhague pour développer un procédé capable de capter le dioxyde de carbone (CO2) de ses émissions. Ce projet utilise des analyseurs de gaz avancés de Vaisala afin de mesurer l'efficacité de la capture du carbone et donc la viabilité de la technologie de CCUS.

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Carbon capture at the A-R-C, Photo by: A-R-C

Les chercheurs ont développé une usine pilote pour extraire le CO2 des émissions de l'incinérateur de l'usine de revalorisation énergétique Amager Bakke, qui est l'une des plus grandes centrales de cogénération (CHP) d'Europe du Nord avec une capacité de traitement de 560 000 tonnes de déchets par an. Développée par la société de gestion des déchets ARC (Amager Ressource Center) basée à Copenhague, qui est détenue conjointement par cinq municipalités de la région de Copenhague, la centrale de cogénération présente un certain nombre d'innovations, notamment une piste de ski artificielle sur le toit faisant partie d'un centre d'activités de plein air baptisé CopenHill.

L'usine pilote a été conçue pour capter le CO2 dans les émissions des précédés tels que le traitement des eaux usées, la production de biogaz, la biométhanisation et l'incinération des déchets. Mais les chercheurs étudient également les façons dont le CO2 peut être à la fois capté et utilisé. Avant son installation à Amager Bakke, l'usine pilote de captage du carbone était exploitée dans une usine de traitement des eaux usées. « La technologie en elle-même n'est pas nouvelle », explique Jens Jørsboe, chercheur à la DTU, « mais l'objectif de notre travail a été de réduire le coût de la capture du carbone, afin qu'elle devienne une solution économiquement réalisable. »

Les gaz d'échappement de l'incinérateur d'Amager Bakke passent par un précipitateur électrostatique (ESP) pour éliminer les particules, les composés de NOx sont éliminés par réduction catalytique sélective (SCR) et un épurateur se charge quant à lui d'éliminer les oxydes de soufre. De forts taux de CO2 perdurent dans les gaz de combustion et l'objectif principal de l'usine pilote de captage du carbone est d'étudier la faisabilité de cette capture. Pour ce faire, le gaz est envoyé vers le haut à travers une colonne remplie de billes et d'un solvant à base de monoéthanolamine (MEA) qui extraient le CO2 du gaz. Ce solvant est ensuite envoyé vers un désorbeur qui élimine le CO2, qui est maintenant presque à l'état pur, et régénère le MEA pour sa réutilisation. Dans le cadre du projet de recherche, le CO2 produit est actuellement encore ventilé dans l'air, mais pour une application commerciale, de nombreuses applications industrielles différentes pourraient utiliser ce CO2. Par exemple, le CO2 peut être mis à réagir avec de l'hydrogène dans le procédé de Sabatier pour produire du méthane (un combustible gazeux) et de l'eau, à température et pression élevées, en présence d'un catalyseur au nickel. Cette utilisation constitue une méthode respectueuse de l'environnement pour la production de carburant si l'hydrogène est généré par électrolyse à partir d'énergies renouvelables (énergie solaire, biogaz ou énergie éolienne par exemple).

Le CO2 est également utilisé dans de nombreuses autres industries, notamment pour l'alimentation et les boissons, la réfrigération, la médecine, l'horticulture, la lutte contre les incendies, le soudage, etc., de sorte que plusieurs marchés potentiels sont disponibles si le CO2 peut être produit à une échelle et dans une qualité commercialement acceptables.

Surveillance de l'efficacité du captage du carbone

L'optimisation du procédé de captage du carbone n'est possible que si les concentrations de CO2 peuvent être surveillées en continu avant et après le procédé de captage du carbone. Heureusement donc que le premier moniteur de CO2, d'humidité et de méthane en ligne au monde avait été développé par Vaisala en Finlande avant la construction de l'usine pilote.

Les gaz d'échappement des incinérateurs peuvent être corrosifs et potentiellement explosifs, c'est pourquoi il n'a pas été possible d'assurer une surveillance en ligne par le passé. Jusqu'à récemment, la seule solution consistait à extraire des échantillons pour analyse en dehors du procédé, mais cette méthode n'est pas adaptée au contrôle et à l'optimisation du procédé et présente un certain nombre de défauts inhérents, notamment la nécessité d'éliminer l'humidité de la ligne d'échantillonnage et un besoin de réétalonnage fréquent.

Le développement de la sonde multigaz de Vaisala, le modèle MGP261, a résolu tous ces défis de surveillance, en particulier lorsque son développement a été suivi par la sonde MGP262, qui a été adaptée pour mesurer des concentrations élevées de CO2 et est donc idéale pour la surveillance continue en ligne du CO2 qui se trouve pratiquement à l'état pur après le désorbeur de l'usine pilote.

L'usine pilote utilise trois sondes Vaisala au total : la sonde MGP261 surveille les gaz d'échappement arrivant de l'incinérateur et la sonde MGP262 mesure la pureté du CO2 extrait. La troisième sonde de CO2 Vaisala CARBOCAP® est le modèle GMP251, qui contrôle les niveaux de CO2 (après le captage du carbone) dans les gaz d'échappement de l'usine pilote.

Une technologie de surveillance unique

Les trois sondes de surveillance intègrent la technologie CARBOCAP®, qui utilise un filtre interféromètre Fabry-Pérot (FPI) accordable électriquement. Outre la mesure de l'échantillon cible, le filtre FPI micromécanique permet d'effectuer des mesures de référence à une longueur d'onde exempte d'absorption. Lorsqu'il prend les mesures de référence, le filtre FPI est accordé électroniquement pour alterner la bande passante entre une longueur d'onde d'absorption et une longueur d'onde de non-absorption. Cette mesure de référence compense tous les changements potentiels pouvant survenir dans l'intensité de la source lumineuse, ainsi que la contamination sur le chemin optique, ce qui signifie que le capteur est hautement stable dans le temps. 

Les sondes MGP261 et MGP262 mesurent l'humidité et le CO2 avec le même filtre optique, tandis qu'un second canal optique permet la mesure du méthane. À bien des égards, cet appareil allie la puissance analytique d'un spectromètre de laboratoire et le design simple et robuste d'un instrument de contrôle de procédé industriel.

Concernant les performances de l'équipement de surveillance, Jens Jørsboe a indiqué : « Nous avons été ravis de la précision et de la fiabilité des sondes multigaz, notamment parce qu'elles nous ont permis d'en apprendre beaucoup sur la gestion des gaz de combustion provenant de l'incinération des déchets. Nous avons beaucoup de données sur les émissions issues de la combustion de combustibles fossiles, mais beaucoup moins sur les émissions provenant de l'incinération des déchets. 

La technologie utilisée par les sondes Vaisala aide également à minimiser les coûts d'exploitation car, grâce à leur auto-étalonnage efficace, les exigences d'entretien des sondes sont minimes et les temps d'arrêt sont évités. »

Captage du carbone à Copenhague et dans le monde

Grâce à la surveillance continue en ligne, les chercheurs ont pu optimiser les performances de captage du carbone après une évaluation de douze configurations différentes pour l'usine pilote. Après avoir prouvé la viabilité du procédé de captage du carbone, l'étape suivante consistait à évaluer les avantages relatifs du stockage et de l'utilisation du carbone. Jens Jørsboe indique : « Actuellement, l'utilisation du CO2 est l'option la plus coûteuse en raison des coûts associés au raffinement supplémentaire nécessaire du CO2. Les exploitants de l'usine Amager Bakke prévoient donc de demander un financement de 1,5 milliard de DKK (230 millions de dollars) pour une usine de CCS capable de capter 500 000 tonnes de CO2 par an (si le cadre réglementaire approprié et un financement suffisant sont assurés par l'État danois). Cette usine emploierait le même procédé d'épuration aux amines qui a fait ses preuves dans l'usine pilote de captage du carbone. »

L'incinération d'une tonne de déchets municipaux (MSW) est associée à l'émission de 0,7 à 1,7 tonne de CO2 selon le contenu des déchets. Par conséquent, la production d'énergie provenant de l'incinération des déchets est plus intensive en carbone que la combustion de gaz fossile, de sorte que le captage du carbone offre une opportunité pour gérer le besoin croissant de traitement des déchets municipaux sans générer pour autant des niveaux inacceptables de GES.

Pour l'avenir, Jens Jørsboe pense que cette technologie pourrait être appliquée à tous les incinérateurs de déchets à travers le monde, ce qui, selon les dernières données d'ecoprog, représente environ 2 500 usines WtE, avec une capacité d'élimination d'environ 400 millions de tonnes de déchets par an. 
De plus, il devrait être possible de récupérer la chaleur résiduelle, qui pourrait être transférée à l'industrie locale ou à un réseau de chauffage urbain. 

En résumé, Jens Jørsboe explique : « La dernière conférence sur le changement climatique COP26 à Glasgow a souligné le besoin urgent de développer des technologies qui peuvent aider à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre tels que le CO2. De nombreux pays se sont engagés à atteindre des objectifs de neutralité carbone, donc notre travail sur l'usine de revalorisation énergétique des déchets d'Amager Bakke leur offre une occasion d'investir dans une des méthodes possibles pour atteindre cet objectif. »